Cindy, le nouveau spectacle de Plamondon, ovationné
au Marché de la musique
Michel Dolbec
Presse Canadienne
Paris
Présenté lundi au Midem de Cannes, Cindy, le nouvel
"opéra-pop" de Luc Plamondon, a réussi son
premier examen de passage, mais avec réserve. Onze chansons
- sur les 25 environ que comptera le spectacle - figuraient au programme
de cette sorte de première, très attendue.
À la fin du tour de chant, les professionnels et le "vrai"
public massé au balcon se sont levés pour ovationner
le parolier, le compositeur Romano Musumarra et les neuf interprètes
(dont six femmes, ce qui fait de Cindy la plus féminine des
comédies musicales de Plamondon).
"Le courant a passé. Je crois que le public va s'identifier
à cette histoire", a estimé le parolier.
Il reste que Cendrillon 2002 a réussi ce test
important, mais pas décisif, d'une façon un peu moins
convaincante que Notre-Dame-de-Paris, qui avait eu droit, ici même
il y a quatre ans, à un accueil exceptionnel.
A l'époque, la magie était née des chansons et
des voix, plus que des chanteurs, qui étaient pour la quasi-totalité
des inconnus. "Il s'était passé quelque chose de
très fort, rappelait un vieux routier du Midem. On avait tous
senti qu'on était en face d'un gros truc, qui irait très
loin."
Lundi en revanche, le public, qui comptait de nombreux
adolescentes, a surtout semblé excité par Lââm
(Cindy) et par la jeune Carine, révélée par une
émission de télé-réalité appelée
Star Academy.
Bien sûr, la Québécoise
Judith Bérard, dans le rôle du mannequin fiancé
de la rock-star-prince charmant, est remarquable dans "Salaud
!". Et "Un monde à nous",
interprété par Lââm et Frank Sherbourne
(Ricky), finit par accrocher l'oreille.
"Mais les autres titres, avec leur avalanche de
guitares, de violons, de percussions et d'effets vocaux, manquent
de caractère", a fait remarquer un spécialiste
après le spectacle.
Pour l'instant, le duo Plamondon-Musumarra n'offre rien qui s'impose
aussi rapidement au nerf auditif que "J 'aurais voulu être
un artiste", "La Serveuse automate", "Belle"
ou "Le temps des cathédrales".
La comparaison avec les grands succès de Plamondon
était bien sûr inévitable: d'ailleurs, tout le
monde l'a faite. C'est pour cela sans doute que Plamondon aurait préféré
ne pas avoir à se soumettre à cet exercice.
"Pour les chanteurs, c'est sympathique, a-t-il dit. Mais moi,
au départ, j'étais contre. Les producteurs y tenaient.
J'aurais préféré que le public découvre
les chansons en spectacle. Mais finalement, ça a été
une bonne chose, parce que ça m'a donné un "deadline"
(échéance) à respecter."
Avec Cindy, on se retrouve dans un des univers chers
à Plamondon. Le prince charmant est un chanteur, une espèce
de Ziggy qui aurait réussi et aimerait les filles.
La mère de Cindy est une "fille du soleil", les jeunes
de banlieue sont des "rebelles", les tours des cités
des tours de Babel, que le parolier oppose "aux tours de l'argent,
aux tours de Manhattan". "C'est un texte vieux de cinq ans",
précise Plamondon.
Patsy Galant, qui jouait les stars déchues dans
Starmania, tient le rôle de la marâtre. Mais elle est
aussi, comme dans la vraie vie, une ancienne reine du disco, dépassée.
Dans Cindy, on le voit, l'écriture est "plamondienne"
jusqu'au bout des ongles: "cercueil" rime avec "écureuil",
"veuvage" avec "naufrage" et "homme qui passe"
avec "superman et fantômas".
Luc Plamondon est convaincu que le spectacle "plaira
aux jeunes" et peut-être aux plus vieux "qui ont gardé
le coeur jeune". L'album sort dans trois semaines, ce qui sera
un test beaucoup plus décisif que le Midem. Plamondon, lui,
n'est pas au bout de ses peines.
Il lui reste encore une heure de textes à écrire. Et
puis il y a la mise en scène (Lewis Furey), la chorégraphie
(Martino Muller), les éclairages (Alain Lortie), etc. à
mettre au point d'ici la création du spectacle en septembre.
Cannes n'était qu'une (première) étape, dans
la chronique d'un succès annoncé.